France | La Tribune: La fraude publicitaire, le cauchemar des annonceurs
La fraude publicitaire, qui consiste à empêcher une publicité de diffuser le bon message, à la bonne personne et au bon endroit, ne cesse de croître et devrait coûter 7,2 milliards de dollars aux annonceurs dans le monde en 2016. Qui sont les fraudeurs et comment fonctionnent-ils ? Un premier livre blanc donne quelques réponses.
Détourner l’argent des éditeurs, fausser la performance des campagnes en gonflant artificiellement le nombre de vues d’une publicité en ligne… La fraude publicitaire, dont on parle peu et qui n’est même pas reconnue ni pénalisée dans de nombreux pays du monde (principalement en Asie et en Europe de l’Est), est pourtant devenue, en à peine un an, la crainte principale des annonceurs.
On part de loin. Jusqu’à peu, cette pratique passait totalement sous le radar. On l’appelait “trafic invalide” (IVT) ou “trafic non-humain” (NHT). Mais les premières études sérieuses sur le sujet ont alerté les acteurs de l’industrie. Ainsi, selon l’Association of National Advertisers, la fraude publicitaire mondiale devrait coûter 7,2 milliards de dollars aux annonceurs en 2016. Ces experts américains estiment qu’entre 10% et 30% des publicités en ligne sont sujettes à des pratiques frauduleuses. Un taux très important, qui peut exploser dans certains cas, notamment auprès des acteurs qui n’utilisent aucun outil de détection ou de prévention.
Plus rentable que le crime organisé
Pour alerter les agences et les annonceurs, l’institut Integral Ad Science (IAS) s’est penché sur l’ampleur du phénomène. Ces derniers mois, ses experts ont conduit de nombreux interrogatoires avec les membres de l’industrie publicitaire digitale aux États-Unis. Il en ressort un livre blanc, le premier état des lieux complet du business de la fraude publicitaire, qui sera disponible sur le site d’IAS lundi 5 décembre.
Le constat est sans appel. “La majorité des acteurs du secteur sait que la fraude existe, mais peu de personnes comprennent son fonctionnement”, affirme l’étude. Branche obscure du cybercrime, la fraude publicitaire est pourtant, d’après IAS, celle qui rapporte le plus d’argent, comme le note Yann Le Roux, le directeur général d’IAS France:
“C’est un business colossal pour trois raisons. D’abord parce que c’est plutôt facile à réaliser techniquement, pas besoin d’être un surdoué de l’informatique. Ensuite, parce que c’est peu risqué : la plupart des pays n’ont pas de législation pour lutter contre la fraude publicitaire. Ensuite, car c’est très rentable. Cela rapporte davantage que le crime organisé, le vol d’adresses IP et l’extorsion de fonds, qui sont les trois autres secteurs les plus lucratifs dans la cybercriminalité”
Conséquence : de véritables mafias de la fraude publicitaire se sont montées. “Le secteur est très organisé, avec des armées de développeurs, de data scientists et de hackers, qui opèrent surtout depuis l’Asie et l’Europe de l’Est”, ajoute Yann Le Roux.
72% des fraudes ont lieu sur PC, 28% sur mobile
Concrètement, la fraude publicitaire concerne “toute activité empêchant délibérément la bonne exposition des publicités auprès de la bonne personne, au bon moment, au bon endroit”, précise l’étude. Elle possède au moins trois des critères suivants, ajoute Marketing Lab : son trafic est généré par des machines (dont des bots), la visibilité de la publicuté est nulle, ou elle est volontairement dénaturée.
Même les éditeurs Premium, qui réalisent des campagnes auprès d’un public nombreux et qualifié, peuvent faire l’objet d’attaques éclairs. 72% des fraudes ont lieu sur PC et 28% sur mobile, mais le ratio est destiné à s’équilibrer au fur et à mesure que la publicité mobile prend du galon. Ainsi, selon le cabinet eMarketer, le marché de la publicité mobile pèsera 100 milliards de dollars dans le monde en 2016, soit 51% du marché de la publicité en ligne, et devrait doubler d’ici à 2025. “Mécaniquement, la part des fraudes sur mobile va augmenter”, confirme Yann Le Roux.