France I E-marketing.fr : La publicité digitale part en fronde contre la fraude
10 à 30% des investissements en publicité numérique seraient sujet à la fraude publicitaire selon la World Federation of Advertisers (WFA). Comment alors s’assurer que le dispositif de communication digital acheté correspond bien à la réalité d’exécution ?
“Ce n’est pas parce qu’une publicité est diffusée en ligne… qu’elle est forcément vue”, commente, tout de go, Yann Le Roux, directeur général Europe du Sud d’Integral Ad Science (IAS). L’observation est confirmée par un récent chiffre de la World Federation of Advertisers (WFA) : 40 % des publicités diffusées en ligne ne sont jamais vues par les internautes. Une part importante du budget investi l’est donc… à perte.
La publicité diffusée est-elle bien visible ?
Et pour cause. Les publicités des marques sont parfois diffusées en dessous de la ligne de flottaison ou tout en bas d’une page si longue que peu d’internautes auront le courage de la scroller jusqu’au bout. Parmi les autres pratiques douteuses identifiées par le CPA (Collectif Pour les Acteurs du digital), et répertoriées dans un récent guide intitulé “Fraude, le côté obscur du marketing digital”, l’on peut également citer l’empilement de bannières ou, encore, la diffusion du display ou de la vidéo dans un format peu visible allant de la taille d’un pixel à celle d’un timbre-poste. Yann Le Roux rappelle d’ailleurs que “pour qu’une publicité soit comptabilisée comme visible elle doit être vue au moins une seconde pour du display et deux secondes pour une vidéo”.
Comment, alors, s’assurer que le dispositif digital acheté correspond bien à celui diffusé ? “La solution d’Integral Ad Science (segments pré-bid) permet aux annonceurs d’accéder en programmatique à des données prédictives fournissant les probabilités de visibilité d’une publicité dans un emplacement donné à un temps donné. Ils peuvent ainsi sélectionner uniquement les impressions répondant à leurs critères de performance et définir un réel potentiel d’impressions visibles”, explique Yann Le Roux. Chez Teads, la plateforme média mondiale, “la promesse est la garantie d’une diffusion au coeur d’un article d’un site média pour assurer à l’annonceur que la publicité sera vue”, explique Geoffrey La Rocca, directeur général France de Teads. D’autres plateformes à l’instar de BeOp, start-up qui transforme la publicité en conversation, ont fait le choix d’un modèle économique basé sur la performance : “Les médias peuvent créer au sein de leur article un contenu conversationnel et interactif : sondage, quiz, chatbot, jeux concours etc. Les annonceurs peuvent également utiliser notre technologie pour créer des modules conversationnels et les diffuser au sein des articles de nos médias partenaires. Ces campagnes peuvent être facturées au CPMV ou sur un modèle à la performance où seuls les tests et conversations engagés sont facturés”, explique Nicolas Sadki, co-fondateur de BeOp.
Même logique de performance pour Viewpay, qui a fait de la publicité digitale un système de micro-paiement : les internautes choisissent de regarder une publicité parmi trois proposées pour pouvoir ensuite lire un article réservé aux abonnés dans un média ou accéder au wifi dans un lieu public. Ainsi seules les vidéos vues à 100 % sont facturées, ce qui va plus loin que les deux secondes imposées pour qu’une vidéo soit considérée comme visible. “Facturer les vidéos vues et visibles à 100 % permet de rationaliser les impressions. Les marques s’inscrivent alors dans une logique de communication responsable. En effet, moins d’impressions, mais de meilleures qualités, ce qui contribue à diminuer la pollution publicitaire et de ne facturer que l’attention volontaire”, expliquent Virginie et Marc Leprat, co-fondateurs de ViewPay. La solution intègre également des tags de tiers de confiance comme Integral Ad Science, Adloox, Moat, Adledge qui sont en charge de la mesure de visibilité des campagnes pour assurer une totale transparence dans la mesure de performance. Ainsi, de nouveaux modèles de diffusion moins intrusifs et plus respectueux de l’internaute se développent, sous forme d’un contrat publicitaire qui va dans le sens inverse des publicités intrusives comme celles, qui, une fois l’article scrollé continuent de vous poursuivre sur le côté.
Sur mobile, selon l’IAS la visibilité des publicités display, que ce soit en web mobile ou en in-app, est à la traîne avec moins d’une impression mobile visible sur 2 : 49,2 % d’impressions visibles sur web mobile et 46,6 % pour l’in-app, soit un niveau inférieur au desktop (62,1 %). Pour autant, les publicités vidéo sur web mobile enregistrent comme sur desktop un bon niveau de visibilité avec 72,6 % d’impressions visibles.
Brand Safety : l’environnement de diffusion est-il sain ?
“La fraude publicitaire est néfaste pour l’industrie qui la nourrit, elle amenuise la confiance que peuvent accorder les annonceurs”, observe Jean-Marie Le Guen, directeur général de l’Interactive Advertising Bureau (IAB France). Ainsi, l’IAB, aux côtés du SRI, de l’UDECAM, du GESTE, de l’UDA et l’ARPP ont-ils créé, il y a un an, le label Digital Ad Trust, une initiative interprofessionnelle unique qui vise à “assurer aux annonceurs un environnement sécurisant, de qualité, dans lequel la fraude est combattue et les contextes d’affichage sont sains”, explique Jean-Marie Le Guen. À destination des sites médias éditeurs, il vise à évaluer la qualité des sites engagés dans des pratiques publicitaires responsables. L’audit est d’ailleurs volontairement réalisé par deux acteurs tiers de confiance : la ACPM et le CESP pour garantir une objectivité dans les analyses. Cinq grands objectifs ont été définis avec ce label : garantir la brand safety, optimiser la visibilité de la publicité en ligne, lutter contre la fraude (respect du filtrage du trafic invalide, mise en place d’audits sur la mesure du trafic invalide général, respect d’un indice de fraude maximal et lutte contre le trafic dissimulé), améliorer l’expérience utilisateur avec la maîtrise de l’encombrement publicitaire et, enfin, mieux informer les internautes en matière de protection des données personnelle.
Il est donc primordial pour l’annonceur de s’assurer alors que la publicité achetée n’est pas diffusée à côté de contenus dégradant pour la marque – sexe, terrorisme, etc. – “Si la marque est associée à un contenu violent ou de fake news, c’est une véritable catastrophe à la fois d’image, de réputation et de performance pour la marque”, confirme Yann le Roux. “Mais la brand safety va aussi plus loin que l’exclusion des sites pornographiques et terroristes, avec notamment l’importance pour une compagnie aérienne, par exemple, de ne pas être associée à des articles traitant de crashs aériens ou pour les marques de produits laitiers avec du contenu lié aux intolérances au lactose”, précisent Virginie et Marc Leprat.
Ainsi, un second filtre par un ciblage sémantique sera-t-il opéré sur les articles au sein d’un même média afin d’affiner la diffusion publicitaire. Nicolas Sadki explique : “Chez BeOp, nous sommes dans une approche qui mixe à la fois contenu et conversation. Nous avons donc développé un outil de ciblage sémantique qui permet de n’afficher le contenu que sur les pages “brand safety” et à l’aide de mots-clés, rejeter par exemple les articles traitant de parfums lorsqu’il s’agit d’une publicité à destination des femmes enceintes”. Pour Teads, la brand safety se joue à deux niveaux. D’un côté, une sélection des médias où la plateforme diffuse les contenus, uniquement sur de grands titres, pour être sûr qu’il s’agit de sites de confiance, où la présence de fake news est peu probable. Puis, par un ciblage sémantique également très fin pour filtrer les articles.
“Teads permet un avantage de contextualisation plus fin que ce que propose YouTube où il n’est par exemple pas possible d’identifier les nuances d’humour et d’éviter d’être associé à un sketch antisémite par exemple ou encore Facebook où il est difficilement possible de gérer le contexte de diffusion”, soulève Geoffrey La Rocca. Teads couvre ainsi près de soixante-dix sites labellisés Digital Ad Trust représentant 43 millions de visiteurs uniques par mois, soit 95 % de l’audience globale des sites labellisés et réaffirmant de ce fait sa position de plateforme média premium et son engagement envers une publicité visible, brand-safe et sans fraude. Nous sommes heureux de soutenir le label Digital Ad Trust et les médias les plus qualitatifs, engagés comme Teads dans des pratiques publicitaires plus responsables. Cette offre exclusive s’inscrit dans la lignée des efforts menés depuis longtemps en faveur du Clean Advertising afin d’améliorer l’expérience publicitaire pour le bénéfice de tous : consommateurs, annonceurs et éditeurs”, commente Geoffrey La Rocca.
Dans le cadre du label, les médias s’engagent à respecter un taux de brand safety qui ne doit pas dépasser 2 %, ce qui implique d’avoir un contrôle total sur les contenus diffusés sur les sites media. On notera alors que les sites disposant de contenus UGC (user generated content) pourront plus difficilement contrôler dans l’intégralité des cinq millions de contenus postés par jour sur les plateformes comme YouTube, Facebook… Ceci explique également pourquoi de plus en plus de sites appliquent des règles de modération strictes voir, coupent les avis spontanés pour ne garder que des avis sollicités. Ainsi Yann Le Roux conclut-il : “La brand safety a de particulier qu’elle est spécifique à chaque marque”, la solution d’IAS proposant une approche de blocking pour empêcher la publicité d’être diffusée si les critères de brand safety prédéfinis par la marque en programmatique ne sont pas respectés.
Humain ou Robot : qui clique ?
“L’objectif est de lutter contre la fraude aux impressions et d’identifier les sites et devices frauduleux. Nous utilisons ainsi l’intelligence artificielle pour détecter les comportements de surf non humain, et traquer les IP d’où vient ce trafic frauduleux”, explique Yann Le Roux, tout en précisant que “les acteurs qui travaillent avec les sites web de la longue traîne sont plus exposés aux risques de fraude”. Deux possibilités concernant la fraude aux clics, avec tout d’abord celle émanant de concurrents “la fraude peut alors avoir lieu tant sur le search que le display, où un concurrent, un robot malveillant ou l’éditeur lui-même va s’acharner sur une publicité en cliquant dessus de nombreuses fois pour augmenter les dépenses de l’annonceur”, explique Maxime Faure, directeur associé d’Ad’s Up, l’agence Google Ads. La seconde viendra “de robots, ou de “fermes à clics” chargés de générer des volumes de clics importants. Les robots malveillants ont pour objectif de créer une audience fictive et de générer des visites sur des sites”, expliquent Emmanuel Brunet et Christophe Bosquet, membres du CPA tout en précisant : “Ce phénomène a pris de l’ampleur sur l’année 2018, avec des clics frauduleux qui peuvent représenter jusqu’à 30 à 40 % des clics d’une campagne’.
Le CPA identifie trois types de robots. Tout d’abord le bot indépendant, il agit à partir d’un ordinateur simple et peut être plus difficile à identifier car il est en mesure d’imiter les comportements humains : mouvement de la souris, navigation sur une page web. Puis, il y a le “bot data center”, qui ne peut être opéré que par une organisation qui a accès à plusieurs serveurs. Enfin, le botnet, le réseau de bots malware, agit comme un virus qui peut analyser puis reproduire le comportement de l’internaute. Maxime Faure explique alors :“Google propose un premier filtre algorithmique chargé d’identifier les IP qui génèrent des clics suspects puis une équipe dédiée à la fraude publicitaire est également chargée de contrôler, il y a donc une double couche de contrôle, à la fois automatique et manuelle“. Sur les sites web, chacun doit prendre sa responsabilité en faisant appel à des sociétés tierces à l’instar d’IAS qui vont se charger de traquer les IP frauduleuses. “Une publicité vue par un robot, c’est du budget de perdu”, confirme Yann Le Roux. Enfin, reste la fraude à l’affiliation “décriée il y a déjà plus de dix ans, le risque est de s’attribuer des leads et des ventes qui ne le sont pas réellement. Mais, il s’agit d’un risque plus modéré que pour du search ou du display puisque dans le cas de l’affiliation les ventes ont tout de même bien eu lieu”, font remarquer Emmanuel Brunet et Christophe Bosquet. Il faut alors rentrer dans le détail des réels enchaînements sur chaque vente et valider l’attribution.
Reporting : les stats sont-elles exactes ?
Emmanuel Brunet et Christophe Bosquet concluent en insistant sur l’importance de bien définir en amont un cadre contractuel quant aux résultats attendus de la campagne de publicité en ligne. Ceci afin de ne pas se retrouver ensuite sceptique quant aux statistiques fournies par un prestataire : “Tout doit être cadré au départ : génération d’affichage, de ventes, qui est la cible, sur quel volume, comment la toucher etc. L’idéal est également de faire appel à un acteur tiers de confiance, pour prendre en charge la mesure de performance”. Une recommandation que confirme Maxime Faure : “On peut se fier aux statistiques fournies par Google et Facebook puisqu’il s’agit de rapports accrédités par des tiers comme le Média Rating Council (MRC) mais c’est plutôt dans le cadre de sites indépendants qu’il faut être vigilant et mettre en place un outil de tracking des campagnes”. Ainsi, certains prestataires seront-ils tentés de fournir un reporting biaisé, que ce soit sur un volume ciblé gonflé ou sur un ciblage fictif qui permettrait de faire payer un CPM plus cher. Enfin, on retrouvera aussi cette logique de fraude sur la géolocalisation si un volume donné a été vendu et que le prestataire n’arrive pas à le tenir, il pourra alors être tenté d’élargir la diffusion, d’où l’importance d’utiliser un logiciel de tracking externe pour valider les performances annoncées.
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